Lomé,
06 juin 2003: Selon des résultats provisoires publiés
mercredi le président Gnassingbé Eyadéma a été
réélu avec 57,22% des voix à l'issue du scrutin
présidentiel du 1er juin.
Emmanuel Bob Akitani, candidat soutenu par le principal parti d'opposition
- l'UFC, l'Union des Forces du changement de Gilchrist Olympio -
obtient 34,14% des suffrages qui ne seront officiels qu'après
validation de la Cour constitutionnelle chargée d'examiner
d'éventuels recours.
Avec trente-six années ininterrompues, Gnassingbé
Eyadéma détient - aujourd'hui - le record africain
de longévité du pouvoir et cette élection apparaissait
comme une formalité aux yeux des observateurs les plus sérieux.«Après
Eyadéma... Eyadéma» titrait l'hebdomadaire l'Intelligent,
tandis qu'Amnesty International dénonçait dès
le mois d'avril - et je cite - «la volonté des autorités
de réduire au silence, par l'intimidation et par la force,
toute voix dissidente».
En juillet 1999, sur notre antenne, Le général Eyadéma
avait manifesté son intention de ne pas se représenter...
une promesse qu'il avait réitéré à Jacques
Chirac lui-même en s'engageant à ne pas toucher à
la constitution.
Un certain suspens a donc prévalu jusqu'en décembre
2002 lorsqu'il a justement fait procéder à deux modifications
de la constitution: la première lui permettant de briguer
un troisième mandat et la seconde, empêchant la candidature
du principal opposant Gilchrist Olympio qui vit en exil - selon
ses propres termes - pour "des raisons de sécurité".
Face à ces aménagements constitutionnels jugés
pour le moins curieux par plusieurs chancelleries, l'Union européenne
- qui a gelé son aide au Togo depuis dix ans pour violations
des droits de l'homme - a décidé de ne pas envoyer
d'observateurs, afin de ne pas cautionner cette élection.
La présidence sénégalaise affirme également
- ce matin - que, ni elle, ni le gouvermenent n'ont envoyé
d'observateurs, se démarquant ainsi des Sénégalais
ayant assisté au scrutin à titre privé.
A la veille de la présidentielle, on craignait que des affrontements
entre l'opposition et les forces gouvernementales ne fassent sombrer
le Togo dans la violence. Cette «ivoirisation» du pays
n'a pas eu lieu, et c'est un grand motif de satisfaction dans une
région passablement destabilisée.
Mais au-delà de cette satisfaction de voir ainsi maintenu
un Togo relativement stable, ce scrutin peut appeler deux remarques:
Tout d'abord, et bien qu'il l'ait déjà annoncé,
le général Eyadéma devra, effectivement former
un gouvernement d'union nationale, effectivement ouvert - ouvert
à toutes les composantes du pays.
Deuxièmement, ce gouvernement devra convaincre l'Union européenne
et plus largement la communauté internationale de la réalité
de cette ouverture afin d'aboutir à la levée des sanctions
qui frappe toujours le pays.
L'affaire est d'importance - non pas en raison d'enjeux stratégiques
ou économiques qui restent proportionnels à un pays
de cinq millions d'habitants - mais parce que le Togo est devenu
une icône ou une anti-icône pour beacoup d'Africains.
Le G8 d'Evian vient de privilégier la consolidation du NEPADE
- le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique
- en insistant sur «la bonne gouvernance».
Et on peut légitimement considérer que cette perspective
concerne aussi le Togo.
Richard LABEVIERE |