Paris,
29 mai 2003: La communauté internationale dénonce
ou se tait face à la prévisible réélection
le 1er juin du président togolais Gnassingbé Eyadéma,
au pouvoir depuis 36 ans, qui a exclu de la course son principal opposant.
Les dénonciations les plus virulentes de cette "parodie
de démocratie", selon les termes d'associations chrétiennes,
émanent d'organisations des droits de l'homme et caritatives.
Les Nations unies et l'Union européenne boycottent le régime
du général-président, en n'envoyant pas d'observateurs,
et les Etats africains et occidentaux, dont la France, observent
un silence remarqué.
Sous le titre "Togo: silence on vote", Amnesty International
a dénoncé dès avril "la volonté
des autorités de réduire au silence, par l'intimidation
et par la force, toute voix dissidente à quelques semaines
de l'élection présidentielle".
Amnesty indiquait avoir recensé depuis janvier dernier "une
quinzaine de cas d'atteinte à la liberté d'expression
au Togo, dont neuf pour le seul mois de février, soit en
moyenne un cas d'intimidation, d'arrestation ou de torture d'opposants
politiques, de journalistes ou de défenseurs des droits humains
tous les trois jours".
D'autres organisations, comme la Fédération internationale
des droits de l'homme (FIDH), ont exprimé les mêmes
critiques vis-à-vis d'un homme arrivé au pouvoir par
un coup d'Etat au cours duquel le président Sylvanus Olympio
a été assassiné, et qui barre de la course
présidentielle son fils, Gilchrist Olympiuo.
Le général Eyadéma a en effet fait procéder
en décembre 2002 à deux modifications de la Consitution:
la première lui permet de briguer un troisième mandat
et la seconde empêche la candidature de Gilchrist Olympio,
qui vit en exil pour des "raisons de sécurité",
selon lui.
Face à ces manoeuvres, l'UE, qui a gelé son aide
au Togo depuis dix ans pour violations des droits de l'Homme, a
décidé de ne pas cautionner le scrutin en n'envoyant
pas d'observateurs.
"En 2003, le Togo n'était pas dans les priorités
pour une mission d'observation. La Commission européenne
ayant appris l'intérêt de toutes les forces politiques,
a mis en oeuvre les procédures appropriées (...).
Il n'y a pas eu d'accord avec le gouvernement pour qu'une mission
exploratoire puisse se dérouler dans les délais impartis",
a expliqué à l'AFP un représentant de l'UE,
Gilles Desesquelles.
L'UE a engagé "les autorités togolaises à
mettre un terme aux incarcérations arbitraires des militants
de l'opposition et à faire la lumière sur le sort
de ceux qui sont détenus".
L'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a en revanche
décidé d'envoyer des observateurs.
La France, qui entretient des relations suivies avec le Togo, se
borne à rappeler son souhait que la campagne "permette
à toutes les opinions politiques de s'exprimer et de participer
au débat à travers un processus électoral transparent",
selon le Quai d'Orsay. Sans se prononcer sur l'exclusion du principal
opposant.
Les Etats-Unis ont adopté la même attitude en appellant
à "une élection libre, équitable et transparente,
avec accès équitable de tous les partis politiques
aux médias, conformément aux normes internationales".
Les pays africains se taisent. Même si le Daily news, principal
journal du Kenya où l'alternative démocratique a pu
jouer cette année, a qualifié Eyadéma de "honte
pour l'Afrique".
"Le Togo est paralysé parce qu'un homme, au pouvoir
depuis des décennies, refuse de s'en aller et préfère
le chaos. C'est inacceptable et Paris ne devrais pas donner l'impression
d'hésiter face à ce mauvais exemple", estime
l'ancien Premier ministre centrafricain, Jean-Paul Ngoupandé.
La France reste silencieuse, mais un eurodéputé français,
Fodé Sylla, a annoncé qu'il se rendrait au Togo.
"Ne pas y aller serait accepter que l'opposition a perdu d'avance
et qu'une fois de plus Eyadéma aura réussi son coup",
a-t-il affirmé, en réponse à ceux qui l'accusent
de soutenir implicitement le président Eyadéma, en
accord avec les autorités françaises.
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