Lomé, 6 Novembre 2002: Abdoulaye Miskine, défendu
par le Gouvernement de la République centrafricaine (RCA)
à titre d'officier de l'armée nommé Martin
Koumta Madji, mais accusé par N'djamena d'être en fait
un chef rebelle tchadien, a quitté mardi la capitale de la
RCA, Bangui, pour la capitale du Togo, Lomé, a annoncé
Radio-Centrafrique, la radio d'État de la RCA.
Avant de s'embarquer, à l'aéroport Mpoko de Bangui,
le président Ange-Félix Patassé a décoré
M. Miskine de la plus haute distinction militaire de la RCA, celle
de Commandeur dans l'Ordre du Mérite Centrafricain. Durant
la cérémonie à laquelle assistaient de haut
dignitaires du pays, de même que la mère, la famille
et les amis de M. Miskine, M. Patassé a prononcé un
discours dans lequel il a pris la défense de M. Miskine,
qu'il a qualifié de citoyen à part entière
du Centrafrique.
"Notre code familial, notre constitution et nos lois prévoient
que toute personne ayant un parent centrafricain est centrafricaine",
dit-il. Il a alors accusé la Ligue centrafricaine des droits
de l'homme d'avoir, par son silence, fait preuve de complicité
alors que l'un de ses concitoyens se voyait injustement chassé
de sa mère patrie. "Nous avons ici la mère
de Martin Koumta Madji, surnommé Miskine, mais qui n'a rien
à voir avec le lieutenant Laokin Barde [un chef rebelle tchadien],
d'affirmer M. Patassé. Il a précisé avoir accepté
d'expulser M. Miskine de la RCA "pour éviter de mettre
dans l'embarras" le président tchadien Idriss Déby.
"J'ai accepté ce sacrifice, mais il s'agit d'une
injustice. Il vous revient à vous, avocats du Centrafrique,
d'en tirer les conclusions", a lancé M. Patassé.
Il a par ailleurs assuré M. Miskine qu'il serait à
l'aise dans son nouveau foyer et l'a remercié d'avoir accepté
de quitter sa mère patrie. "Vous allez vous sentir
chez vous au Togo. J'y ai vécu en exil pendant dix ans ...
Nos familles s'y trouvent...J'ai parlé au [président
Gnassingbe] Eyadema et il m'a dit qu'il vous attend", d'ajouter
M. Patassé.
L'expulsion de M. Miskine a été décidée
en échange de celle du général François
Bozize - l'ancien chef d'état-major de l'armée de
la RCA - par le Tchad, lors du sommet régional tenu à
Libreville le 2 octobre. N'djamena accusait M. Miskine de lancer
des attaques transfrontières, et Bangui accusait M. Bozize
de faire de même.
Depuis octobre, M. Bozize se trouve en France, d'où il aurait
prétendument coordonné l'attaque du 25 au 31 octobre
contre Bangui.
Des observateurs affirment par ailleurs que le Togo a été
choisi comme terre d'asile pour M. Miskine parce que M. Patassé
considère ce pays comme son second foyer. L'épouse
de M. Patassé, Angèle, est Togolaise. Radio France
Internationale a révélé mardi que M. Miskine
se rendait au Togo à bord d'un avion Tupolev libyen.
Ce dernier développement survient alors que les troupes de
la Communauté économique et monétaire de l'Afrique
centrale (CEMAC) doivent arriver cette semaine à Bangui.
Dans un communiqué gouvernemental lu mardi sur les ondes
de Radio Centrafrique, le porte-parole du Gouvernement de la RCA,
Gabriel Jean Edouard Koyambounou, a annoncé que "la
force de la CEMAC est attendue demain [mercredi] ou le jour suivant".
Il a déclaré qu'une fois les troupes de la CEMAC arrivées,
les combattants rebelles du Mouvement de libération du Congo,
de Jean-Pierre Bemba - surtout accusés de pillages et de
viols, en dépit du fait que leur mission consistait à
libérer Bangui du siège de M. Bozizé - se retireront
de la RCA.
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