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Dakar, 31 Octobre 2002:
Depuis un certain temps, le général Gnassingbé
Eyadema, président de la République du Togo passe sur
le terrain diplomatique comme l'homme providence dans la résolution
des crises sur le continent. Il n'est pas de conflit aujourd'hui en
Afrique dans la résolution duquel le chef de l'Etat togolais
n'ait pas été sollicité ou qu'il ne se soit pas
fait inviter. Soit pour ses "sages conseils" soit
tout simplement pour s'imposer comme principal médiateur. Comme
c'est le cas actuellement dans la crise ivoirienne. Qu'il réussisse
ou non, qu'on l'accepte ou qu'on le récuse, Gnassingbé
Eyadema marque indubitablement de son empreinte l'échiquier
politique africain. Il a son mot à dire partout et sur toutes
les questions qui touchent au développement, à la démocratie,
à la bonne gouvernance sur le continent. Au dernier sommet
de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), devenue depuis
Union africaine (UA) à Durban (Afrique du Sud) en juillet dernier,
on l'a vu parmi les plus irréductibles partisans du respect
de l'ordre constitutionnel, s'opposer à la reconnaissance par
l'organisation continentale du président malgache, Marc Ravalomanana.
Au motif que ce dernier se serait auto-proclamé président
de la République de la Grande Ile.
Tout ceci aurait été à l'honneur du général-président
et ferait la fierté du continent si, ce contre quoi Gnassingbé
Eyadema s'active aujourd'hui ne le caractérisait pas personnellement.
La présence à Dakar, depuis le week-end dernier de l'opposant
Me Yawovi Agboyibo, leader du Comité d'Action pour le Renouveau
(CAR), pour solliciter la médiation du président Abdoulaye
Wade dans la crise politique au Togo en est l'illustration la plus
éloquente. Cela donne à rire puisqu'il est question
d'intervenir dans un pays qui joue la médiation paradoxalement
pour un autre avec qui il partage les mêmes problèmes.
Et Gnassingbé Eyadema en aurait pleuré s'il avait réellement
conscience de la gravité de ce que son propre pays traverse.
Des problèmes auxquels fait face cette ex-colonie allemande
de seulement 56 785 km2 pour 4,7 millions d'habitants, baignée
au Sud de l'Océan atlantique et cloîtrée entre
le Ghana à l'Ouest et le Bénin à l'Est. Ces problèmes
qui ont pour nom: crise économique, instabilité politique,
mauvaise gouvernance, gabegie, népotisme, gestion clanique,
tribale et familiale du pouvoir depuis presque quatre décennies
ne trouvent autrement leur origine que dans la façon dont Gnassingbé
Eyadema est arrivé au pouvoir et la main d'acier avec laquelle
il se maintient à la tête du Togo.
Quel conseil Gnassingbé Eyadema peut-il donner à ses
interlocuteurs sur la démocratie et le respect des institutions
de la République s'il a été le premier en Afrique,
toutes régions confondues, à inaugurer le cycle infernal
des coups d'Etat qui ont longtemps terni l'image de notre continent
? En effet, on se rappelle que c'est Eyadema qui a, en 1963, quelques
instants seulement après la naissance de l'Oua, renversé
le régime du premier président togolais, Sylvanius Olympio.
Après avoir installé Nicolas Grunitzky, ce dernier connut
le même sort que le père fondateur du Togo. Car, le 13
janvier 1967, son protégé d'alors a été
renversé. Le lieutenant-colonel Gnassingbé Eyadema s'installe
au pouvoir. Depuis, il ne le quitte pas. Trente cinq ans sont déjà
passés. Eyadema utilise tous les moyens pour renforcer son
pouvoir et s'y maintenir. La vague de mouvements de protestations
du début des années 1990 qui ont secoué tous
les dinosaures sur le continent n'ont eu aucune emprise sur le général-président.
A coup de centaines de morts et d'innombrables arrestations, d'exil
forcé et d'élections truquées, Gnassingbé
Eyadema a défié son peuple qu'il a maintenu dans une
des pauvretés les plus criardes sur la planète. Le taux
de croissance du Produit intérieur brut (Pib) est passé
de 2,9% en 1999 à 2,8% en 2001, contre un résultat négatif
(-1,9%) en 2000. L'inflation s'est quant à elle aggravée,
le taux annuel passant de 1% en 1998 à 2,9% en 2001, contre
1,9% en 2000.
Le salut qui aurait pu venir de Gilchrist Olympio, fils de Sylvanius
Olympio et leader de l'Union des forces de changement (Ufc) est enterré.
Certainement pas à jamais. Mais manifestement pour très
longtemps encore. Car, depuis 1998, après les élections
présidentielles dont la victoire lui avait été
attribuée par l'opposition, Gilchrist Olympio est contraint
à l'exil. Aujourd'hui, vivant entre Accra et Paris, le sort
du principal opposant au président Eyadema serait scellé
dans une des prisons de Lomé s'il lui arrivait à l'esprit
de rentrer au pays. Ainsi, sans opposition ou face à une opposition
ramollie, constamment malmenée par les forces de l'ordre, Gnassingbé
Eyadema a les coudées franches pour se maintenir au pouvoir
en modifiant à sa guise la Constitution après de simulacres
d'élections. Comme les législatives du 27 octobre dernier
auxquelles l'opposition traditionnelle n'a pas pris part. Il n'y a
pas de doute qu'après la proclamation définitive des
résultats par la Cour constitutionnelle, la nouvelle Assemblée
qui sera, à plus de 95%, constituée de députés
du Rassemblement du peuple togolais (Rpt, parti au pouvoir) procédera
à une nouvelle modification de la Constitution qui permettra
à Gnassingbé Eyadema de briguer un nouveau mandat de
cinq ans. En dépit de la promesse qu'il a faite en 1999 de
quitter le pouvoir en 2003. La victoire est d'ores et déjà
acquise puisque, selon une disposition du Code électoral, taillée
sur mesure comme en Côte d'Ivoire contre Alassane Ouattara,
pour être candidat à une élection présidentielle,
" le candidat devra résider au Togo au moins dix mois
avant le scrutin ". Gilchrist Olympio est principalement
et personnellement visée par cette disposition de la loi électorale.
Le syndrome ivoirien est aux portes du Togo. Car, si Laurent Gbagbo
et ses prédécesseurs ont exclu de la course à
l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire, le
nordiste Alassane Ouattara, Gnassingbé Eyadema et ses affidés
écartent de la présidentielle au Togo, le sudiste Gilchrist
Olympio. Drôle de coïncidence et de similitude entre ces
deux événements dans deux pays dont le sort de l'un
se joue chez l'autre. Si Gnassingbé Eyadema, tristement affublé
du titre de doyen des chefs d'Etat africain (37 ans de pouvoir), arrive
aujourd'hui à régler le conflit en Côte d'Ivoire,
il pourra compter sur Laurent Ggagbo, dans les années à
venir, pour voler à son secours. Car, comme la Côte d'ivoire,
le Togo vit depuis un certain temps sur une grosse laque ardente qui
pourrait exploser à tout moment. Tous les ingrédients
sont réunis pour en arriver là. Gnassingbé Eyadema,
ce médiateur particulier dans la crise ivoirienne, ne devrait-il
pas d'abord songer à préparer des seaux d'eau chez lui
plutôt que de s'occuper à chercher un destin de panafricaniste
? Assurément. Puisqu'il ne sert à rien d'éteindre
le feu chez le voisin lorsque sa propre case brûle.
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Sud Quotidien (Dakar)
Oumar Kouressy
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La présence
à Dakar, depuis le week-end dernier de l'opposant Me
Yawovi Agboyibo, leader du Comité d'Action pour le Renouveau
(CAR), pour solliciter la médiation du président
Abdoulaye Wade dans la crise politique au Togo en est l'illustration
la plus éloquente. Cela donne à rire puisqu'il
est question d'intervenir dans un pays qui joue la médiation
paradoxalement pour un autre avec qui il partage les mêmes
problèmes. Et Gnassingbé Eyadema en aurait pleuré
s'il avait réellement conscience de la gravité
de ce que son propre pays traverse. |
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Quel conseil Gnassingbé
Eyadema peut-il donner à ses interlocuteurs sur la démocratie
et le respect des institutions de la République s'il
a été le premier en Afrique, toutes régions
confondues, à inaugurer le cycle infernal des coups d'Etat
qui ont longtemps terni l'image de notre continent? |
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Car, comme la Côte
d'ivoire, le Togo vit depuis un certain temps sur une grosse
laque ardente qui pourrait exploser à tout moment. Tous
les ingrédients sont réunis pour en arriver là.
Gnassingbé Eyadema, ce médiateur particulier dans
la crise ivoirienne, ne devrait-il pas d'abord songer à
préparer des seaux d'eau chez lui plutôt que de
s'occuper à chercher un destin de panafricaniste ? Assurément.
Puisqu'il ne sert à rien d'éteindre le feu chez
le voisin lorsque sa propre case brûle |
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