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La présente lettre a été adressée
par l'ancien Premier Ministre, Ancien Président de l'Assemblée
Nationale Togolaise à la presse quelques heures avant son
limogeage. A l'heure actuelle ce député du RPT a pris
le maquis et a quitté le Togo.
La rédaction TOGO Confidentiel pense
que nos lecteurs devraient se faire leur propre opinion du contenu.
Voici la version intégrale. Afin de faciliter la lecture
de ce document, une table des matières a été
reconstituée. Vous pouvez cliquer sur les sous-tritres pour
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Note de la rédaction.
TABLE DES MATIÈRES
Lomé, 27 juin 2002
"IL EST TEMPS D'ESPERER"
INTRODUCTION
Au cours de ces trente dernières années, je me suis
investi corps et âme dans l'action politique pour apporter
à mon pays la contribution qu'il était en droit d'attendre
de tous ses fils qui ont eu la chance de faire des études
supérieures et qui, de ce fait, par obligation citoyenne,
se doivent d'accompagner le mouvement historique de transformation
politique de nos sociétés amorcée dès
la fin de la première guerre mondiale.
Depuis le début des années 70, je n'ai eu de cesse
de participer au combat politique au sein du Rassemblement du Peuple
Togolais (RPT) dont l'idéologie et le programme répondaient
aux exigences de développement de notre pays, rassemblement
de tous les Togolais sans exclusive du Nord au Sud, de l'Est à
l'Ouest en vue de bâtir une nation moderne réconciliée
et solidaire à l'intérieur de ses frontières,
attachée à l'Unité africaine et ouverte sur
le monde pour s'enrichir de la sève de l'efficacité
technicienne, de la fécondation réciproque des cultures,
de la justice et de la liberté. Au cours de cette période,
notre engagement politique a connu des hauts et des bas mais à
aucun moment nous n'avons cessé d'être fidèle
à notre famille politique et aux intérêts supérieurs
du peuple togolais.
Face au déferlement de l'exigence de démocratie induite
par la chute du mur de Berlin en 1989, nous avions pris la mesure
des changements indispensables à la continuité des
acquis d'hier et des réformes urgentes tant dans les méthodes,
dans l'esprit et les objectifs de l'action politique pour amener
notre pays à négocier le tournant historique des années
90 et à l'insérer dans la dynamique mondiale de l'histoire
et du progrès.
Conscient de notre part de responsabilité dans la qualité
des acquis d'hier et de l'obligation de changement d'aujourd'hui,
nous n'avions à aucun moment, fut-ce au plus fort de la crise
politique du début des années 90 et des incertitudes
qu'elle laissait planer sur notre famille politique, cherché
à abandonner le navire et à se réfugier dans
les pays voisins ou en Europe, comme tant de courtisans qui se délectent
aujourd'hui dans les manuvres de bas étage, dans le
pillage éhonté du Togo au détriment des intérêts
du Peuple togolais.
En prenant de la hauteur par rapport aux manuvres incongrues
du sérail politique et des thuriféraires falots et
cupides d'un système décadent, Dahuku Péré
a par sa récente déclaration, provoqué au sein
du Parti la catharsis tant attendue. C'est dire que les cadres et
les militants du Rassemblement du Peuple Togolais adhèrent
dans leur grande majorité à l'exigence de vérité
et de changement que proclame la déclaration de Péré.
C'est dire que moi-même, j'approuve la lettre et l'esprit
de ce document historique qui méritait de sérieux
débats au sein du parti plutôt que le dénigrement
et l'ostracisme dont il est l'objet, de cette tendance permanente
à mettre un cautère sur une jambe de bois chaque fois
que le Parti doit apporter des réponses rationnelles et pertinentes
aux défis auxquels il est confronté.
Pour avoir été au cur de l'action politique
à des niveaux de responsabilités qui passent expérience
et qui éclairent l'avenir, je ne saurais donc longtemps garder
le silence sur les dangers que comporte pour notre pays l'absence
de toute ambition collective et le recourt à ces méthodes
surannées de diabolisation et d'humiliations des cadres et
des hauts responsables de notre Parti qui, en toute bonne foi, cherchent
a mettre fin à une situation de cris intolérable pour
toute une nation dont l'espérance est compromise depuis une
décennie par une lutte politique de mauvais aloi à
la moderniser pour l'adapter aux exigences du monde moderne. "
L'art de gouverner, consiste nom pas à s'approprier en
apparence toute la force mais à employer toute celle qui
existe ". Il est donc temps d'espérer, de changer
de méthodes et prendre un nouveau départ.
Pour l'essentiel, je voudrais à l'adresse de nos compatriotes,
réitérer mon adhésion aux grands principes
qui doivent sous-tendre l'action politique, les éclairer
sur les dysfonctionnements qui ont entravé l'action du Gouvernement
au cours de ces dernières vingt un (21) mois, sur leur origine,
leurs effets et leur lancer un appel pressant pour qu'ils prennent
leurs responsabilités face à l'histoire pour l'avènement
de nouvelles méthodes de gouvernement et conduite de l'action
publique.
I - RAPPEL DES GRANDS PRINCIPES DE L'ACTION
POLITIQUE
Il y a un peu moins de vingt un (21) mois lorsque nous avions présenté
la Déclaration de politique générale du VIIè
Gouvernement de la IVème République devant la Représentation
nationale et, par delà cette auguste Assemblée, à
la nation togolaise toute entière, nous étions seulement
mus par les grands idéaux qui fondent les grandes Nations
c'est-à-dire ceux de justice, de liberté, de fraternité,
de respect des droits de l'Homme, d'amour du prochain mais aussi
par la ferme détermination de contribuer, grâce à
notre expérience et soutien de tous les togolais, à
relever le défi de la pauvreté, à poursuivre
sans relâche le dialogue politique, à favoriser l'unité
et la cohésion nationales, à offrir à tous
les togolais sans exclusive de nouvelles chances pour sortir notre
pays du cycle infernal du déclin et de la désespérance.
Nous avions, avec force, affirmé que l'homme doit être
au début comme à la fin du champ politique "
le seul être à côté duquel il n'en
existe pas plus grand ". Cet homme qui, dans son ipséité,
est un autre soi-même, est de l'avis de tous les spécialistes
avertis, au début comme à la fin du processus de développement
c'est-à-dire l'acteur et le bénéficiaire de
toutes les transformations quantitatives et qualitatives qui affectent
les cycles historiques comme les cycles de la vie individuelle et
collective.
C'est cette vision du monde que nous avons partagée avec
nos compatriotes longtemps soumis à un populisme suranné.
C'est par cette vision du monde que nous avons voulu promouvoir
l'espérance de notre pays dans des lendemains meilleurs car
il ne saurait exister de fatalité face aux défis du
sous-développement mais une volonté consciente et
exigeante la force créatrice de l'Esprit et de l'efficacité
de l'action.
Notre volonté d'offrir à nos compatriotes de nouvelles
chances de régénérescence était d'autant
plus forte qu'à l'orée du troisième millénaire,
l'ampleur des mutations scientifiques, technologiques, économiques,
financières et sociales étaient telles que seules
les Nations mues par une vision prométhéenne de l'histoire
pouvaient survivre et prospérer face à l'exacerbation
de la concurrence internationale et au risque permanent d'incertitude
qu'engendrent la volatilité des marchés, la spéculation
financière, la succession rapide des cycles économiques,
la persistance d'un protectionnisme ainsi que les stratégies
de domination des pays développés.
Notre ambition, c'est de construire la chaîne des générations,
de renforcer la solidarité entre toutes les filles et les
fils de notre pays, de donner à la jeunesse les moyens de
son épanouissement matériel, intellectuel et moral,
d'accroître ses capacités de générosité,
son sens du sacrifice, sa force d'imagination et de rédemption
des errements du passé.
Mais très vite, nous avons dû déchanter face
à l'inertie d'un système de gouvernement désuet,
savamment entretenue par des intérêts particuliers
dans les rouages de l'Etat, à des interventions permanentes
et intempestives dans la gestion de l'Etat, à des méthodes
de direction de l'action publique qui consistent à opposer
les uns aux autres, les plus proches collaborateurs du Chef de l'Etat,
au règne de l'arbitraire, au mépris des lois et des
règlements de notre pays.
C'est pourquoi, nombreux et graves sont les dysfonctionnements introduits
dans l'Etat et ses divers démembrements qui ont entravé
l'action du Gouvernement au cours de ces derniers vingt un (21)
mois.
II - LES DYSFONCTIONNEMENTS DE L'ETAT
Ces dysfonctionnements se traduisent par le déclin de l'autorité
de l'Etat, l'inefficacité de la fonction publique, l'instrumentalisation
de la justice à des fins politiques. L'isolement diplomatique
de notre pays, le marasme économique et financier, la gestion
patrimoniale et opaque des finances publiques.
2.1- le déclin de l'Autorité de l'Etat
Bien qu'étant ordonnateur du budget, il m'a été
pratiquement impossible de donner des instructions pour le paiement
de la moindre dette publique, d'ordonner le paiement des salaires
sans le contreseing du Président de la République.
Les ressources de l'Etat sont gérées de façon
opaque, ce qui crée au passage un système dans lequel
le Premier Ministre et le ministre de l'Economie, des Finances et
des Privatisations sont dépourvus de tout pouvoir d'initiative,
le premier, privé de la maîtrise du processus de décision,
le second devenu un chef comptable tandis que le Directeur de l'Agence
nationale de la BCEAO devenait trésorier-payeur de l'Etat
togolais
Ainsi, les recettes fiscales et douanières de l'Etat sont
versées dans un compte unique à la BCEAO placé
sous le contrôle du Président de la République
qui autorise toutes les dépenses sans consultation du Premier
ministre. En l'absence de tout contrôle, ces systèmes
laisse la porte ouverte à tous les abus depuis les prélèvements
sans justification à la source dans les régies financières
de l'Etat avant le versement des recettes fiscales et douanières
sur le compte ouvert dans les écritures de la BCEAO.
D'autres dysfonctionnements non moins pernicieux affectent l'efficacité
de l'action publique notamment la forte allégeance requise
des membres du gouvernement tout comme des directeurs des sociétés
d'Etat envers la personne du Président de la République,
ce qui les oblige à ne rendre compte de leurs actes qu'au
chef de l'Etat, faisant ainsi de la fonction du Premier Ministre
un ersatz administratif au mépris des dispositions de la
loi fondamentale de notre pays notamment dans ses articles 76 à
78. Ces articles donnent au Premier ministre le pouvoir de déterminer
et de conduire la politique de la nation, de diriger l'action du
gouvernement et de coordonner les fonction de ses membres.
Or le Président de la République agit comme si nous
étions dans un régime d'exception, assurant le contrôle
des trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
Rien d'étonnant dès lors si ces dysfonctionnement
engendrent des comportements irresponsables chez certains agents
de l'Etat, encouragés dans leurs actes d'insoumission voire
de rébellion par des milieux obscurs qui semblent se délecter
dans ces opérations de déstabilisation et de sabotage
de l'action publique.
Sinon comment expliquer que certains responsables de sociétés
d'Etat se soient publiquement attaqués au Premier ministre,
chef du gouvernement, en se livrant en toute impunité dans
les médias d'Etat à des critiques malveillantes à
son encontre. Le procédé est non seulement surprenant,
mais il est aussi insolent au sens étymologique du terme
car il fait entorse aux règles qui président au fonctionnement
de l'Etat, à l'organisation de ses rapports avec ses démembrements
et au respect de la hiérarchie dans un Etat républicain.
Par une sorte d'inversion des valeurs, caractéristique des
Etats déliquescents, gangrenés par la confusion des
genres, propres aux hommes liges égarés par la haine
et la jalousie, les termes de ces documents jouent de la confusion
entre la critique objective et les accusations infamantes contre
la personne du Premier ministre.
Dans le même registre le Président de la Commission
nationale de lutte contre la corruption et le sabotage économique
créée à l'initiative du Premier ministre et
qui relève sur le plan administratif de l'autorité
du gouvernement s'en est pris tout récemment à deux
reprises au Premier ministre dans des correspondances indignes d'un
grand serviteur de l'Etat. Ce comportement qui aurait entraîné
des sanctions immédiates sous d'autres cieux a été
considéré comme un acte de vertu républicaine
par ceux qui ont délibérément choisi de fouler
au pied les lois et les règlements de notre pays.
Dans le registre macabre, c'est le fils aîné du chef
de l'Etat qui profère en toute impunité des menaces
de mort contre le chef du gouvernement en signant sa forfaiture
par un coup de téléphone à " l'aide de
camp " de ce dernier. Et comble d' l'imposture, c'est l'aide
de camp qui a été mis aux arrêts de rigueur
pour soixante (60) jours et qui a vu sa promotion au grade de capitaine
bloquée.
D'ailleurs, nombreux sont nos compatriotes qui se plaignent des
cas graves de violation des droits de l'homme et l'abus d'autorité
que le fils aîné du chef de l'Etat exerce sur les laborieuses
populations, les agents de l'Etat servant dans la partie septentrionale
de notre pays. Ces violations sont, du reste, connues du public
togolais comme l'attestent les différentes formes de tortures
que le colonel Ernest Gnassingbé inflige à ses victimes
au camp Landja de Kara et que le journal "la Tribune
du Peuple" décrit par le menu, grâce à
des témoignages, dans sa livraison n° 21 du 26.06.2002
aux pages 3, 4 et 5.
S'en prendre ainsi aux populations et aux citoyens ainsi qu'au chef
du gouvernement, c'est contrevenir aux lois de la République,
au principe de loyauté qui fonde, par delà les différences
d'opinion et de croyances, la continuité de l'Etat, et les
intérêts supérieurs de la Nation.
Le Premier serviteur de l'Etat, chef de l'administration ne saurait
être traîné dans la boue, ni menacé de
mort, les populations et les agents de l'Etat maltraités
sans dommages pour la République car le déficit de
moralité publique qui soustend ce genre de comportement finit
à terme par emporter l'Etat et donc engendrer le désordre
et le chaos. Dans une nation moderne, tous les citoyens ont droit
au respect et à l'intégrité physique de leur
personne, garanties par notre Constitution et nul ne saurait, pour
des raisons obscures, s'arroger le droit de leur infliger des traitements
inhumains et dégradants. Le Togo appartient à nous
tous et seul notre statut de citoyen nous confère des droits
et nous impose des obligations. Nos fonctions nous sont déléguées
par la volonté nationale et populaire et ne peuvent nous
servir de justification pour sublimer nos propres tares et nos faiblesses.
2.2 L'inefficacité de la fonction publique
Dans la fonction publique fragilisée par la grève
générale illimitée de 1992-1993, des fonctionnaires
compétents, suspectés d'avoir soutenu le mouvement
furent mis au placard, ce qui a entraîné une baisse
de la qualité de l'encadrement. Des promotions ont été
faites sur la base de critères partisans ce qui exprime en
partie l'inefficacité de l'action publique. Aujourd'hui,
face aux besoins en cadres de notre pays, l'Etat est incapable de
renouveler les compétences laissant l'administration entre
les mains de fonctionnaires temporaires souvent mal payés,
sans moyens de travail et dont la qualification mérite d'être
renforcée.
2.3 L'instrumentalisation de la justice à des fins politiques
La justice est instrumentalisée à des fins politiques,
soumise aux interventions intempestives d'arrêts particuliers.
Ainsi d'honnêtes citoyens sont détenus en toute illégalité
au delà du délai légal de garde à vue,
sans assistance judiciaire, d'autres condamnés à de
lourdes peines de prison par une main invisible qui n'hésite
pas à corrompre les magistrats en vue de vaincre leur résistance
devant l'ignominie de l'iniquité. Une justice aux ordres
du prince est donc une menace pour le développement de notre
pays, un danger pour la paix sociale, la concorde nationale et la
sécurité.
2.4 L'isolement diplomatique de notre pays
Notre diplomatie fait piètre sur la scène internationale
car les turpitudes du régime, le mensonge et le double langage,
la fausse apparence de respectabilité et d'honorabilité
dont cherche à se parer le chef de l'Etat ne trompent personne,
si ce n'est lui-même et ses missi dominici avides des gains
faciles. L'isolement de notre pays sur la scène internationale
en est une conséquence directe. Plus personne ne prend au
sérieux un régime fossilisé qui contrevient
de façon sournoise aux lois et à la morale internationale
en s'illustrant dans des trafics de tous genres et des manipulations
de toutes sortes. L'échec de la visite du chef de l'Etat
à la journée " Portes ouvertes sur le Togo
" à Hanovre en novembre 2001 et l'humiliante déconfiture
de Bruxelles en juin 2002 constituent les témoignages éloquents
d'une diplomatie de bric et de brac, lestée de rase-mottes
intellectuelles, plus préoccupée de camouflages, de
détournements et de gaspillages de fonds publics que de retombées
politiques, économiques et financiers au profit du développement
de notre pays.
2.5 Le marasme économique et financier
L'économie togolaise continue de souffrir de la suspension
de la coopération avec l'union Européenne. Au cours
de l'année 2001, sa compétitivité a été
mise à mal par la contraction du volume des produits exportés
à l'exception du ciment et des phosphates entraînant
une aggravation du déficit de la balance commerciale et le
financement de ce dernier par une ponction sur les avoirs extérieurs
et une accumulation des arriérés. Ces derniers entraînent
bien évidemment des suspensions par les bailleurs de fonds
des décaissements au profit de projets en cours de réalisation.
Ainsi, faute d'avoir pu payer 1,434 milliards de FCFA au groupe
de la BAD/FAD, notre pays n'a pas pu recueillir 23 milliards de
FCFA pour le financement des projets en cours dans les secteurs
de l'Education, de la santé et des infrastructures de communication.
Un effort réel aurait dû être fait, mais malheureusement,
faute de détenir le pouvoir de décision, le Premier
ministre n'a pas pu exercer un choix conforme aux intérêts
de notre pays, à ceux de la jeunesse et des populations les
plus défavorisées.
Dès le premier jour de sa nomination, le premier ministre
n'a pas eu les coudées franches pour mettre en uvre
un véritable politique de relance économique dans
un pays sous sanction en desserrant les contraintes qu'imposent
à notre pays ses relations avec certains bailleurs de fonds
internationaux et son appartenance à des groupements régionaux
et sous régionaux.
Il aurait fallu négocier un moratoire pour le remboursement
de certaines dettes, demander la suspension de l'application des
critères de convergence de l'UEMOA, accorder la priorité
au remboursement de la dette interne, suspendre la mise en uvre
de certaines taxes telles que la taxe de résidence, les taxes
sur les taxi-motos et sur les activités des micro entreprises
en secteur informel, suspendre la privatisation des entreprises
dont le transfert au secteur privé devait se traduire par
une augmentation des prix de leurs services, en l'occurrence l'électricité.
Mais, plus préoccupé de formalisme politique que de
vitalisme économique, le régime pilote le pays à
vue en faisant du bricolage l'horizon indépassable de ses
ambitions.
2.6 La gestion patrimoniale des finances publiques
La gestion des finances publiques laisse à désirer.
Il faut admettre que les recettes mensuelles de l'Etat devraient
suffire à couvrir les besoins élémentaires
notamment les salaires, les bourses, les pensions et les dépenses
publiques prioritaires en faveur de la lutte contre la pauvreté.
Or les recettes des régies financières de l'Etat notamment
les douanes, les impôts versés aux guichets de la BCEAO
s'effectuent de façon irrégulière et désordonnée,
ce qui rend malaisé un rapprochement des comptes de la Banque
Centrale avec ceux des impôts et des douanes.
Tout laisse à penser que, devant un ministre de l'Economie,
des finances et des Privatisations, impuissant et dépourvu
de tout pouvoir, des prélèvements à la source
sont opérés dans les régies financières
de l'Etat, ce qui a pour conséquence l'accumulation des arriérés
intérieurs notamment sur les salaires et les pensions des
retraités, des veuves et des orphelins. Outre les arriérés
des années 1999 et 2000, six mois d'impayés sont enregistrés
au cours de l'année 2001 au détriment des retraités.
Les sociétés d'Etat sont victimes d'une mauvaise gestion
et d'un racket scandaleux. A l'OTP, le passif exigible de la gestion
des ces cinq dernières années a été
porté de 12 milliards de FCFA à 80 milliards à
la veille de l'opération de privatisation sur lesquels une
bonne partie a servi à couvrir les besoins de Lomé
II.
Pour célébrer le début du troisième
millénaire, 2 milliards de FCFA ont été dépensés
par la Direction de l'OTP pour acheter des boissons ; 250 millions
de FCFA soustraits de la caisse pour acheter au chef de l'Etat un
buste à son image et 40 millions pour lui offrir une canne
sans compter le bradage du patrimoine de l'OTP à Paris sous
le couvert de prête-noms alors que l'entreprise connaît
d'intenses difficultés financières et que notre pays
rechigne pendant ce temps à acheter un appareil de dialyse
pour le CHU de Tokoin pour la somme modique de 12 millions de FCFA.
Dans certains cas, pour couvrir les besoins de Lomé II, cette
société n'hésite pas à recourir à
des prêts bancaires notamment chez NATESKI BANK dont le remboursement
est transféré sur la dette publique.
Au port Autonome de Lomé, les malversations sont aussi monnaie
courante. Le Directeur général prélève
par semaine au profit de Lomé II 25 millions de FCFA soit,
100 millions par mois, 1,2 milliard par an. 70 millions de FCFA
sont perçus par mois sous forme de taxes sur les ventes de
véhicules par un réseau d'affaires familiales proche
du chef de l'Etat sous le prétexte fallacieux de pourvoir
au financement de la Zone franche alors que cette dernière
reçoit de l'Etat une subvention annuelle de 175 millions
de FCFA.
Les marchés publics sont truqués au profit de parents
et amis. Les sociétés CIMTOGO et WACEM subissent des
traitements différents en raison de la défense d'intérêts
particuliers pour lesquels la première est sacrifiée
au profit de la seconde élue aux avantages de la Zone franche.
Les ressources de la Caisse nationale de sécurité
sociale (CNSS) sont siphonnées par Lomé II au mépris
des intérêts des travailleurs qui attendent toujours
le paiement des arriérés des allocations familiales
et une liquidation rapide de leurs pensions.
La privatisation en cours de la Société Togolaise
de Coton (SOTOCO) alimente des appétits de corruption estimée
à plusieurs milliards de FCFA au profit du même réseau.
Généralement, quand elles ne profitent pas au clan
familial du chef de l'Etat, les privatisations aboutissent difficilement.
Bien évidemment, la Commission nationale de lutte contre
la corruption et le sabotage économique est muette sur cette
gigantesque prévarication bien qu'elle en détienne
des preuves. Ces malversations relèvent d'un domaine soustrait
à tout contrôle. Tous ces faits relèvent d'une
haute trahison de la part de celui qui en assure la protection de
façon délibérée. Pendant ce temps la
commission s'acharne par des méthodes illégales sur
les citoyens togolais, au mépris de la présomption
d'innocence, du secret de l'instruction, de la justice et de l'équité.
On ne saurait donc s'étonner que de telles pratiques aient
conduit à la faillite de notre pays. Les bénéficiaires
de cette gigantesque malversation sont ceux là même
qui accusaient les anciens responsables politiques d'avoir jadis
sacrifié les intérêts du Togo sur l'autel de
leurs intérêts personnels.
Pendant qu'ils redoublent d'ardeur dans les opérations de
détournements et se réjouissent des montants faramineux
de leurs avoirs, les hôpitaux et les centres de santé
sont dépourvus du minimum requis pour leur fonctionnement,
les salles de classes manquent de matériels didactiques tout
comme l'université de Lomé devenue le souffre-douleur
de tous les fossoyeurs impénitents du savoir et de la culture.
Les bourses ne sont pas payées aux étudiants, ce qui
témoigne du peu d'intérêt que l'on porte à
l'avenir de la jeunesse et de la nation. Les étudiants diplômés
de l'université de Lomé sont acculés à
conduire les taxis-moto, les togolais croupissent dans la misère,
meurent chaque jour faute de ressources pour acheter les médicaments,
pendant que les pères et les mères de famille subviennent
difficilement aux besoins de leurs enfants, condamnés souvent
à un repas par jour. Certains parents, en désespoir
de cause, vendent leurs enfants à des gens peu scrupuleux.
Que dire de la prostitution de la jeune fille qui se développe
de façon inquiétante en raison des risques d'extension
de l'épidémie du SIDA pour lequel notre pays a un
taux de prévalence relativement élevé dans
notre sous-région ?
Dans le contexte de crise que vit notre pays, la dilapidation des
ressources de l'Etat s'apparente à un crime contre l'humanité
car près de 1,2 milliard de FCFA est dilapidés chaque
mois pour récompenser une horde de courtisans, des marcheurs
professionnels, des communicants et des juristes véreux,
de faux opposants et de politicards mal dégrossis en quête
de notoriété.
III - L'ORIGINE DES DYSFONCTIONNEMENTS
Tous ces dysfonctionnements ont pour cause profonde, une gestion
patrimoniale de l'Etat. En dépit des difficultés économiques
et financières que traverse notre pays depuis une dizaine
d'années, de l'isolement financier et quasi diplomatique
de notre pays, le régime ne continue pas moins de mener une
politique dispendieuse au mépris des souffrances et de la
misère de nos concitoyens.
Les ponctions intempestives et récurrentes dans les régies
financières de l'Etat tout comme dans les trésoreries
des Sociétés d'Etat engendrent des malversations insoupçonnées
(qui) permettent aux passeurs de fonds de se servir royalement,
mettent à mal la politique de redressement économique
et financier du gouvernement, nos engagements vis-à-vis des
bailleurs de fonds notamment la banque mondiale et le fonds monétaire
international, compromettent notre politique de lutte contre la
pauvreté ; cette politique dispendieuse est à l'origine
de la misère qui affecte l'ensemble des couches sociales
de notre pays qui vivent dans la désespérance totale
et le mépris.
Même notre propre famille est traitée avec condescendance
comme en témoigne la manière brutale et intolérante
avec laquelle les déclarations de Dahuku Péré
ont été accueillies. Elle illustre une fois de plus
le règne de la pensée unique, de méthodes artisanales
d'humiliation des responsables politiques éclairés.
Elle témoigne de cette fermeture prématurée
et permanente à l'appel de la raison et aux vertus enrichissantes
du vrai dialogue et de l'amour du peuple, celui du vrai peuple,
dans toutes ses composantes ethniques sans exclusive et qui constituent
la force charnelle de notre histoire commune.
Et comme le disait Alexis de Tocqueville, lorsque le passé
n'éclaire plus l'avenir, l'esprit marche dans les ténèbres.
Depuis 1967, le monde a beaucoup changé, mais le Chef de
l'Etat s'accroche obstinément à un passé révolu
et se délecte dans un combat surréaliste avec les
fantômes des premiers dirigeants du pays. Or les militants
du RPT, les cadres du Parti , les Togolais ont changé car
il veulent exister et se réaliser pleinement, préparer
les mutations de demain grâce à la maîtrise des
nouvelles technologiques du vivant, de l'Information et de la Communication
; ils veulent mettre le Togo en mouvement et offrir à leurs
enfants un monde de sécurité, de paix et de prospérité.
IV - LES EFFETS DE CES DYSFONCTIONNEMENTS
Aujourd'hui, notre pays fait les frais de cette politique irrationnelle.
Les investissements étrangers ne se bousculent point aux
portes de notre pays ; le gouvernement paie difficilement la dette
extérieure évaluée en 1999 à 1,5 milliards
de dollars de sorte que les arriérés s'accumulent,
hypothéquant ainsi gravement l'avenir du pays et particulièrement
celui de la jeunesse.
Les impayés au 31 décembre 2001 en principal et intérêts
s'élevaient à 15,215 milliards de FCFA dont 88,749
milliards d'arriérés au tire des années 1999-2000.
La marge de manuvre du gouvernement reste donc nulle et cette
situation conduit notre pays à un véritable désastre
qu'il faut arrêter pendant qu'il est encore temps.
Les hommes d'affaires nationaux sont asphyxiés par une dette
intérieure de près de 300 milliards de FCFA que l'Etat
n'arrive pas à honorer ; le chômage des jeunes s'accroît,
les retraités meurent prématurément faute de
toucher régulièrement leur pension, les forces de
sécurité, mal payées essaient de subvenir aux
besoins de leurs familles comme elles peuvent, parfois avec l'aide
des citoyens qu'elles protègent nuit et jour dans des conditions
difficiles, qui rappellent celles d'un Etat de siège. Bref
la morosité générale accroît l'insécurité
matérielle et morale, la détresse et la désespérance.
V - DE L'URGENCE D'UN NOUVEAU SYSTEME DE
GOURVENEMENT
Dans un monde en pleine mutation et au moment où l'Histoire
universelle accouche d'une nouvelle civilisation, il est temps que
le Togo et les Togolais retrouvent le chemin de la vérité,
de la justice, de l'Amour du prochain, de la Solidarité et
de l'Espoir.
Il faut donc mettre fin à ces pratiques intolérables
qui épuisent nos énergies dans des combats d'arrière
garde, renforcer le processus de démocratisation de notre
pays par des élections libres, transparentes et équitables,
promouvoir l'Etat de droit et le respect des droits de l'homme.
Avec son credo "Si ce que je fais est bon, que Dieu me laisse
continuer, mais si ce que je fais est mauvais, qu'il me barre la
route", Eyadéma a la fausse certitude qu'il est natus
ad imperium.
Le déficit actuel de moralité politique est préjudiciable
aux intérêts de notre pays. Il devient manifeste que
la persistance de la crise actuelle alimente les intérêts
de réseaux familiaux et mafieux qui pillent l'Etat en toute
impunité et qui se livrent ainsi à une vengeance déguisée
contre le peuple Togolais.
Il faut reprendre sans tarder le dialogue inter togolais avec modérateurs
nationaux, abroger le code électoral modifié unilatéralement
par la mouvance présidentielle, préparer les échéances
électorales futures dont notre pays ne saurait faire l'économie.
Il est donc temps de mettre fin aux souffrances du peuple togolais.
Pour ce faire, seule une génération d'hommes et de
femmes aimant le Togo et les Togolais est susceptible d'offrir à
notre pays de nouvelles chances de survie et de prospérité.
Il faut donner toutes les chances aux femmes et aux hommes de talent
dont regorge notre pays et qui aiment profondément le Togo.
L'ingénieur ne saurait être l'ennemi de l'ouvrier,
le Professeur, celui de l'instituteur, le Médecin, l'ennemi
du tradithérapeute, le civil celui du soldat. Tous autant
qu'ils sont, doivent rassembler leurs talents pour bâtir une
Nation prospère. Il faut donc restituer à la Nation
togolaise son sens de l'unité et de solidarité.
C'est pourquoi, je lance un appel à tous les corps constitués,
aux cadres de notre pays, aux hommes d'affaires, à la jeunesse
togolaise, à tous les pays amis qui souffrent aussi des turpitudes
de la politique togolaise pour qu'ils se mobilisent, fassent preuve
de détermination, de courage et d'abnégation et qu'ils
empêchent le Président de la République de se
livrer à une modification de la constitution en vue d'accomplir
un nouveau mandat à la tête de notre nôtre pays
à partir de 2003.
Je lance en particulier un appel pressant aux députés
à l'assemblée nationale et à la cour constitutionnelle
pour qu'ils refusent de se laisser encore une fois instrumentaliser
pour pérenniser un régime inique qui a perdu ses repères
depuis dix ans et fait ainsi beaucoup de torts aux Togolaises et
aux Togolais.
Aujourd'hui face à l'histoire, entre la fidélité
à un homme et la loyauté envers le peuple togolais,
nos compatriotes martyrisés, mon choix est clair. Je choisis
d'aider cinq millions de togolais à prendre en main leur
destin, à refuser l'aventure et l'imposture à tordre
le cou au tribalisme rétrograde, à refuser de marcher
désespérément dans les ténèbres,
à renvoyer aux oubliettes de l'histoire le régime
obscurantiste Eyadéma, à tourner définitivement
la page de la honte politique, économique, culturelle et
sociale.
Aujourd'hui, face aux dérives monarcho-despotiques du régime
actuel, tous les Togolais où qu'ils se trouvent, Agents de
la fonction publique, Députés, Membres de la cour
constitutionnelle, Membres du corps judiciaire, doivent prendre
leurs responsabilités, car le Togo est désormais confronté
à des atteintes graves, manifestes et répétées
des droits de l'homme et des libertés publiques. C'est aux
hommes avisés et éclairés, aux élites
civiles et militaires, honnêtes et nationalistes, qu'il incombe
de redresser la situation économique et construire dans la
justice et la solidarité, avec ferveur et ardeur, un nouvel
avenir de bonheur et de prospérité.
Lomé, 27 juin 2002
Agbeyome Messan Kodjo,
Premier ministre,
Ancien président de l'Assemblée nationale,
Ancien ministre,
Membre du bureau politique du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT)
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