L'opposition mobilise contre le candidat Eyadéma
  Le président togolais avait promis en 1999 de ne plus briguer la magistrature suprême.

Dix partis de l'opposition togolaise, rassemblés au sein de la Coalition des forces démocratiques (CFD), ont appelé à un "grand meeting d'information et de mobilisation", samedi 7 décembre, à Lomé. Selon les organisateurs, il s'agit d'expliquer "pourquoi le général Eyadéma doit respecter ses engagements pris devant la communauté internationale, notamment le président Chirac, de ne pas se présenter en 2003, conformément à la Constitution". La Loi fondamentale, adoptée en 1992, limite à deux le nombre des mandats présidentiels successifs.

Au pouvoir depuis 1967, "doyen" des chefs d'Etat africains, Gnassingbé Eyadéma avait promis, le 22 juillet 1999, à Jacques Chirac, alors en visite à Lomé, de ne plus briguer la magistrature suprême lors de l'élection présidentielle programmée pour le premier semestre 2003.

"Je ne l'ai jamais promis à Chirac ! Je l'ai seulement dit aux journalistes qui voyageaient avec lui", a affirmé le chef de l'Etat togolais, le 27 novembre, en marge de la visite éclair du chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin. Cette rétractation ne constitue guère une surprise, après le scrutin législatif du 27 octobre, boycotté par l'opposition, qui a permis au parti présidentiel de remporter 72 des 81 sièges au Parlement, soit largement la majorité des deux tiers nécessaire pour amender la Constitution.

Restauration autoritaire

Dès le mois de septembre, à l'écrivain Denis Tillinac, qui sert au chef de l'Etat français de missi dominici en Afrique, le général Eyadéma avait laissé entendre qu'il comptait se succéder à lui-même, quitte à rester quarante ans au pouvoir. Quoique personnellement en désaccord, l'homme de lettres n'avait pas contrarié son hôte. Avant son départ de Paris, Jacques Chirac lui avait donné comme viatique cette consigne : "Ne l'agace pas avec ça."

Agé de 64 ans, le général Eyadéma semble céder aux pressions de son entourage, notamment familial. En plus de la clientèle du régime, accrochée aux prébendes, son fils aîné, le colonel Ernest Gnassingbé, pèse sur sa décision. Au terme d'une restauration autoritaire consistant à reprendre une à une les concessions faites à un ordre plus libéral, Gnassingbé Eyadéma est imbattable dans les urnes. Il en a déjà apporté la preuve lors du dernier scrutin présidentiel, en juin 1998, dont l'irrégularité avait, certes, entraîné des sanctions internationales, mais dont le prix politique s'est limité à un "accord-cadre" avec l'opposition, resté lettre morte, et à trois années de vaines médiations de l'Union européenne et du mouvement de la francophonie...

L'élection en 2003 serait gagnée d'avance, d'autant que le principal opposant, Gilchrist Olympio, est d'ores et déjà disqualifié, la loi électorale exigeant une année de résidence ininterrompue au pays pour être candidat. Or, victime d'un attentat qui a failli lui coûter la vie, comme à son père, Sylvanus Olympio, le premier président du Togo, assassiné en 1963 au cours d'un putsch organisé par le sergent-chef Eyadéma, l'opposant vit en exil.

Cependant, usé et appauvri, le régime en place se fissure. Depuis dix ans, les sanctions ont fait chuter de 26 % le revenu par tête d'habitant ; en août, ayant fui son pays après sa démission, fin juin, le premier ministre togolais, Agbéyomé Kodjo, s'est réfugié à Paris, mué en opposant ; enfin, après avoir tenu un langage de vérité aux instances dirigeantes du parti présidentiel, dont il a été exclu par la suite, Maurice Dahuku Péré, ancien président de l'Assemblée nationale et homme du Nord, comme le président Eyadéma, a pris la tête des "rénovateurs" ayant, eux aussi, rejoint l'opposition.

Stephen Smith (Le Monde, 07.12.2002)

 


 
 
 
Le Monde (Paris)
 
     
     
  Le président togolais avait promis en 1999 de ne plus briguer la magistrature suprême  
     
     
     
  "Je ne l'ai jamais promis à Chirac ! Je l'ai seulement dit aux journalistes qui voyageaient avec lui"  
     
     
     
  Dès le mois de septembre, à l'écrivain Denis Tillinac, qui sert au chef de l'Etat français de missi dominici en Afrique, le général Eyadéma avait laissé entendre qu'il comptait se succéder à lui-même, quitte à rester quarante ans au pouvoir. Quoique personnellement en désaccord, l'homme de lettres n'avait pas contrarié son hôte. Avant son départ de Paris, Jacques Chirac lui avait donné comme viatique cette consigne : "Ne l'agace pas avec ça."...  
     
     
     
     
 
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