Paris , 31 juillet 2001: Comme le monde entier le sait maintenant,
à court et à moyen terme, deux échéances
politiques véritablement cruciales, déterminantes,
attendent les Togolais. À savoir: les élections législatives
prévues pour octobre 2001, et les présidentielles
de 2003. Et les craintes qui, il y a encore quelques semaines seulement,
faisaient l'objet de simples supputations, sont devenues aujourd'hui
des expressions d'une double stratégie explicitement arrêtée
et annoncée à haute et intelligible voix!
1. En effet, retenues à contrecur, sous une intense
pression du peuple concerné et de la communauté internationale,
les prochaines élections législatives togolaises,
quelles que soient les dates auxquelles elles auront effectivement
lieu, infligeront un authentique raz-de-marée au tristement
fameux RPT ("Rassemblement du Peuple Togolais"). Bien
entendu, dans la mesure où ces élections seront un
tant soit peu démocratiquement, équitablement et dans
la transparence exécutées. Ce jour-là sera
un 27 avril-bis dans l'histoire de notre pays.
Si bien que Mr. Gnassingbé Eyadéma lui-même,
dans son interview en date du 04 juillet 2001 à l'AFP (Agence
France Presse), "a laissé clairement entendre que, dans
le cas d'une défaite du parti au pouvoir, il ne se laisserait
pas imposer un Premier ministre".
Alors ici, la stratégie du "timonier" consiste
à tordre le cou, une fois de plus, à l'esprit de l'article
66 de la Constitution de la IVe République togolaise. Oui,
ayant eu le privilège de participer à l'élaboration
de cette Loi fondamentale, je puis attester que, selon l'esprit
de cet article, le Président de la République "NOMME"
le Premier ministre dans la majorité parlementaire. Qu'est-ce
à dire? Cela veut dire que, pour assurer l'alternance démocratique
dans la vie politique de notre pays, le Président de la République
NE DÉSIGNE PAS, NE CHOISIT PAS, IL "NOMME" LE PREMIER
MINISTRE DÉSIGNÉ PAR LE PARTI (OU LE GROUPE DE PARTIS)
MAJORITAIRE À L'ASSEMBLÉE NATIONALE!!!
En somme, la nomination nous renvoie à un simple acte protocolaire,
symbolique... Sinon, à quoi les élections auraient-elles
servi? Car, si le Président doit choisir lui-même le
Premier ministre, il continuerait à gouverner par celui-ci
interposé. IL N'Y AURAIT DONC PAS D'ALTERNANCE POLITIQUE
VÉRIDIQUE !
Rappelons que, selon les articles 77 et 78 de la même Constitution:
"Le Gouvernement détermine et conduit la politique de
la Nation. Il dirige l'administration civile et militaire. À
cet effet, il dispose de l'administration, de la force armée
et des forces de sécurité.
"Le Gouvernement est responsable devant l'Assemblée
Nationale.
"Le Premier Ministre est le chef du Gouvernement. Il dirige
l'action du Gouvernement et coordonne les fonctions des autres membres
(...)"
Attendons-nous alors à ce que Mr. Gnassingbé Eyadéma
mette en branle, encore une fois, ses hordes prétoriennes
contre le choix d'un Premier ministre par l'opposition, sous le
fallacieux prétexte de combattre "une politique d'exclusion".
Souvenons-nous des temps qui suivirent immédiatement notre
Conférence Nationale Souveraine (08 juillet-28 août
1991)...
2. Quant à l'échéance 2003, voici ce que Jeune
Afrique L'Intelligent (n° 2116 du 31 juillet au 07 août
2001, page 17), écrit:
"Togo Quittera, quittera pas ?
Réitérée le 4 juillet, lors d'un entretien
avec le correspondant de l'AFP à Abidjan, en présence
de son directeur de cabinet, le ministre Gbegnon Amegboh, la décision
du président Gnassingbé Eyadéma de quitter
le pouvoir en 2003, conformément à l'article 59 de
la Constitution, est-elle définitive ? À son habitude,
une fois cette "bombe" lâchée, le chef de
l'Etat togolais s'est retiré dans son fief natal de Pya pendant
plus de deux semaines, observant avec attention les effets produits."
"(...) Mais c'est la contre-attaque des partisans d'Eyadéma
qui est suivie avec le plus d'attention par les diplomates en poste
à Lomé. Deux cent cinquante chefs traditionnels, réunis
fin juillet à Kpalimé, ont ainsi rejeté "catégoriquement"
cette déclaration présidentielle, alors qu'un journal
proche du pouvoir, après avoir signifié qu' "Eyadéma
ne peut en aucune façon décider unilatéralement
de se retirer", a appelé à "réviser
une Constitution dans laquelle le peuple ne se reconnaît pas".
Pour ceux qui, dans les couloirs de "Lomé II",
souhaitent voir l'hôte des lieux "rempiler" une
nouvelle fois, deux possibilités existent pour modifier la
Loi fondamentale issue de la Conférence nationale: soit un
référendum populaire, soit un vote de l'Assemblée
nationale issue des législatives des 14 et 28 octobre prochain.
Quant à Gnassingbé Eyadéma, il se tait tel
un sphinx depuis le 4 juillet."
Tout d'abord, à ces "Togolais" devenus amnésiques,
pour qui "le peuple ne se reconnaît pas" dans la
Constitution de la IVe République togolaise qui, en son temps,
reçut la bénédiction de Gnassingbé Eyadéma
lui-même, disons à ces étranges "Togolais"
qu'au référendum du dimanche 27 septembre 1992, cette
Loi fondamentale fut plébiscitée par 99,09 % des votants
et 75 % des inscrits...
À ce qui précède, ajoutons, publié
à la une et en caractères gras de l'hebdomadaire rptiste
L'OEIL d'Afrique (n° 006 du 10 juillet 2001), le titre sonore
ci-après:
"Hypothèse 2003, L'après Gnassingbé;
c'est Gnassingbé pour la paix"
Ainsi donc, nous revoici aux heures sombres où, mystifiés
et stipendiés, des individus se couchaient sur des rails,
vociférant que Gnassingbé Eyadéma était
l'unique messie envoyé par Dieu pour sauver la terre de nos
aïeux!...
Mais de nos jours, que sont au juste les "chefs traditionnels"
au Togo?! De nos jours, les prétendus "chefs traditionnels",
dans leur écrasante majorité, n'ont de traditionnel
que leur ventre... À la vérité, ce sont des
personnes imposées de but en blanc aux populations par le
régime en place et soudoyées par lui. Elles ne représentent
qu'elles-mêmes, vomies, honnies et haïes qu'elles sont
par les citoyens concernés...
À ce sujet, dans son récent ouvrage L'Etat en Afrique
face à la chefferie. Le cas du Togo (Ed. ASC-Karthala, Paris,
2000, page 31), le chercheur E. Adraan B. Rouveroy van Nieuwaal
écrit: "C'est ainsi qu'un chef de canton au Sud-Togo
s'exprime dans ces termes: "Il faut marcher sur la consigne
du président Eyadéma. C'est terminé! Si tu
veux vivre ici en paix, si Eyadéma dit: "Tuez",
il faut tuer. Il ne faut pas chercher à comprendre."
Il va sans dire que toute notre affection et toute notre déférence
vont vers les quelques rares véritables chefs traditionnels
gardiens de nos valeurs ancestrales de civilisation; qui ont dit
non à la vente de leur âme au diable; qui sont demeurés
dignes, honorables et respectables en dépit de toutes sortes
d'intimidations, de brimades, de tracasseries à eux infligées
par le pouvoir "éyadémaïste".
ALORS QUE FAIRE?!
a) Sur les deux registres sus-évoqués, il s'avère
indispensable de commencer à dénoncer dès aujourd'hui
la double stratégie que nous venons de stigmatiser. Il s'avère
absolument indispensable de prendre d'ores et déjà
l'univers tout entier à témoin!
b) Il convient, pour nous combattants togolais de la liberté,
d'éviter, à tout prix, de tomber dans un piège
similaire à celui que Mr. Gnassingbé Eyadéma
nous a tendu au lendemain des élections législatives
de mars 1994... Dans cet ordre d'idées, le patriotisme doit
prévaloir chez nous sur toutes autres considérations
relevant d'ambitions et/ou d'intérêts strictement personnels
et égocentriques...
c) Enfin, nous nous devons d'exhorter instamment les militaires
des FAT ("Forces Armées Togolaises") à ne
plus jamais, au grand jamais (!!!) accepter de tirer sur le peuple
togolais dont les deniers ont servi à acheter les fusils
qu'ils portent.
* * *
Aujourd'hui, nous qui voulons le changement politique dans notre
pays sommes plus nombreux, bien plus nombreux qu'une maigre poignée
de brebis fourvoyées qui voudraient encore mener un combat
d'arrière garde. Aujourd'hui, nous ne sommes pas seuls dans
le monde à lutter pour la liberté, la démocratie
et le progrès économico-social.
Alors donc, nous vaincrons contre vents et marées, si nous
apprenons à regarder tous... dans la même direction
Une analyse de Godwin Tété.
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