TOGO: Dossier d'IRIN sur la décision de l'UE de cesser de financer le dialogue politique
 
[N.B.: cet article ne reflète pas nécessairement les vues des Nations Unies]


LOME, 5 juin 2002 (IRIN)- L'absence de progrès dans les négociations entre l'opposition et le bloc présidentiel au Togo a poussé au retrait des financements pour la facilitation du dialogue entre les deux côtés, et a approfondi les craintes d'une détérioration du climat politique dans cette nation ouest-africaine.

L'Union européenne (UE) a décidé de ne pas renouveler son financement en faveur des efforts de facilitation, qui expire le 31 mai 2002. Les facilitateurs sont issus de l'Union européenne, de la France, de l'Allemagne et de la Francophonie, la communauté des nations francophones.

"L'Union européenne a cessé son appui financier à la facilitation car, au lieu d'avancer, le processus électoral a pris du retard et les acteurs politiques au Togo ne font plus confiance aux facilitateurs ", a commenté à IRIN Philippe Van Damme, chargé d'affaires au sein de la délégation de l'UE à Lomé. Le résultat en est qu'il n'y a pas de nouveaux arguments en faveur d'une extension de la facilitation, a-t-il déclaré.

La décision affecte les facilitateurs européen, français et allemand, qui étaient financés par l'Union européenne. Le quatrième facilitateur est financé par La Francophonie. Il s'agit de Lansana Kouyaté, ancien secrétaire général de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). " Nous suivons avec intérêt les actions conduites par M. Kouyaté", a ajouté M. Van Damme. " Même si la facilitation a été stoppée, nous n'avons pas interrompu le dialogue".

La décision de l'UE intervient quelques semaines après que le gouvernement ait décidé de nommer un collège de sept juges pour organiser les élections législatives. En vertu de l'Accord Cadre de Lomé, signé en 1999 par la coalition au pouvoir au Togo, le Bloc Présidentiel, et par les partis d'opposition, les élections devaient être organisées et supervisées par une Commission électorale nationale indépendante (CENI).

"Comme la CENI a été remplacée par un collège de juges, il est clair que nous ne sommes plus dans le cadre consensuel de l'Accord Cadre de Lomé ", a affirmé M.Van Damme.

Historique de l'impasse politique actuelle

La crise politique actuelle remonte aux élections présidentielles de juin 1998, remportées par le président Gnassingbé Eyadema. L'opposition avait déclaré que le scrutin était truqué et a refusé de participer aux élections légiuslatives suivantes.

Une percée s'est produite le 29 juillet 1999 lorsque les partis politiques ont signé l'Accord Cadre de Lomé, acceptant de respecter la constitution et de s'unir pour préparer des élections législatives anticipées. Un comité conjoint de suivi a été établi pour créer les conditions propices à un climat politique plus détendu et pour esquisser un nouveau code électoral, promulgué le 5 avril 2000. L'étape suivante était la création de la CENI, entrée en fonction le 30 juin 2000.

Le 30 janvier 2001, la commission a proposé le 14 et le 28 octobre comme dates pour les élections législatives, que la communauté internationale (l'UE en particulier) a offert d'appuyer. Or, le gouvernement n'a réagi aux propositions qu'en juin 2001.

Comme il devenait évident que les élections ne pourraient être préparées dans les temps, les Nations Unies ont dépêché en août une mission exploratoire au Togo dont les principales recommandations suggéraient un report des élections de quatre mois au moins. Elle a également recommandé que le gouvernement débourse ses contributions en vue du financement des élections et a proposé le déploiement de quatre experts internationaux pour appuyer la CENI. L'UE et La Francophonie se sont déclarées prêtes à payer pour un des experts.

Les élections ont été reportées par la suite au 10 mars 2002 et la révision des listes des électeurs a commencé en décembre 2001. Le Bloc Présidentiel a néanmoins décliné une proposition de la France de financer les nouvelles cartes électorales, de même qu'une offre d'assistance technique de l'UE en vue de la révision des listes.

Dissolution de la Commission électorale

Le travail de la CENI a été paralysé et, au début de 2002, le gouvernement a dissout la commission sur le conseil de la Cour constitutionnelle. Le travail au sein du comité conjoint a été bloqué par l'arrestation de Yaovi Agboyibo, chef de l'un des partis ayant signé l'Accord Cadre de Lomé, le Comité d'Action pour le Renouveau (CAR).

L'opposition a décidé en septembre 2001 de suspendre sa participation au comité à cause de la détention de M. Agboyibo pour ce qu'elle a considéré comme des poursuites politiques contre lui. Le dirigeant du CAR a été relaxé au début de l'année en cours, mais la situation politique n'a pas changé. En outre, des journaux ont souvent été confisqués et des journalistes arrêtés.

Les problèmes encore à résoudre sont la définition du statut de l'opposition, adoptée dans une sous commission, le financement des partis politiques, l'image du Togo à l'étranger et le rôle des médias. Les questions liées au statut des anciens chefs de l'Etat et à la sécurité n'ont pas été discutées.

Réactions de l'opposition

Les politiciens de l'opposition ont exprimé leurs regrets à l'issue de la facilitation. Ils ont aussi été défavorables à la décision de remplacer la CENI par les sept juges. Edem Kodjo, président de la Convergence Patriotique Panafricaine (CPP) a déclaré dans le numéro de l'hebdomadaire 'Le Combat du Peuple' daté du 3 au 7 juin que son parti ne participerait pas aux élections organisées par les juges car rien ne garantit qu'elles seront crédibles.

Gilchrist Olympio, chef de l'Union pour le Changement (UFC), de l'opposition, a affirmé récemment sur la radio française que l'opposition ne restera pas sans agir alors que des préparatifs sont en cours pour détourner les élections. Il a invité la population à se préparer pour des opérations ville morte et pour des actions de désobéissance civile.

Comme les hommes politiques du Togo s'éloignent chaque fois plus du consensus, la population quant à elle est de plus en plus inquiète. L'échec des efforts de facilitation et la montée de la tension la ramène à la situation qui prévalait avant la signature de l'Accord Cadre de Lomé.



 


 
 
 
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