Des professionnels des médias arrêtés, des
exemplaires de journaux saisis ou détruits
la presse
indépendante togolaise subit toujours les foudres du général-président.
Un journaliste a passé plus de cinq mois en prison.
Les autorités togolaises sont extrêmement sensibles
à la critique des journaux locaux, à commencer par
le chef de l'Etat. Au 1er janvier 2002, le général
Gnassingbé Eyadéma fait partie de la liste des prédateurs
de la liberté de la presse dans le monde, établie
par Reporters sans frontières.
De nombreux professionnels de la presse ont été victimes
de la répression du doyen des présidents du continent
africain. En 2001 encore, quatre professionnels de la presse ont
été incarcérés. L'un d'eux a passé
plus de cinq mois dans la prison civile de Lomé.
Comme chaque année, des milliers d'exemplaires de journaux
privés ont été saisis et confisqués
ou détruits par la police. Ces mesures sont désormais
facilitées par l'adoption d'un nouveau Code de la presse
permettant au ministre de l'Intérieur et de la Sécurité
"d'ordonner la saisie par arrêté des exemplaires
de toute publication dont le contenu constitue un délit de
presse".
L'existence même de certains titres est menacée par
ces saisies répétées à tel point qu'en
avril, l'Union des journalistes indépendants du Togo (UJIT)
demande à la Haute autorité de l'audiovisuel et de
la communication (HAAC) de "jouer pleinement son rôle"
de garant de la liberté d'expression.
Dans le même temps, l'Association togolaise des éditeurs
de la presse privée (ATEPP) appelle ses membres "à
plus de responsabilité" et à "faire preuve
de rigueur dans la collecte, la vérification, le traitement
et la publication des informations".
Quatre journalistes incarcérés
Le 23 mai 2001, Lucien Messan, directeur de la rédaction
de l'hebdomadaire privé Le Combat du Peuple, se présente
à la gendarmerie de Lomé, suite à une convocation.
On lui signifie alors qu'une plainte a été déposée
contre lui pour "faux et usage de faux" par le ministre
de l'Intérieur. Le journaliste est immédiatement transféré
à la prison civile de Lomé. En fait, on lui reproche
d'avoir apposé sa signature au bas d'un communiqué
de l'ATEPP alors qu'il n'en est pas le directeur de publication.
C'est son fils, Messan S. Junior, qui est directeur du Combat du
Peuple et donc habilité à signer les documents de
l'ATEPP. Ce communiqué dénonçait les affirmations
du Premier ministre togolais selon lesquelles "les directeurs
de publication ont été unanimes pour affirmer qu'il
n'y a jamais eu des centaines de morts au Togo". L'ATEPP accusait
le gouvernement de "chercher à se servir de la presse
privée". Le 5 juin, Lucien Messan est condamné
à dix-huit mois de prison dont six avec sursis pour "faux
et usage de faux" par le tribunal de première instance
de Lomé. Dans la soirée du 28 octobre, le journaliste
est gracié par le chef de l'Etat. A sa sortie, il reprend
son travail et affirme que la "prison n'a rien changé".
Il dénonce également ses conditions de détention
: "Nous étions 1 200 prisonniers dans une cour de 60
mètres sur 60. Si vous n'avez pas d'argent, vous crevez.
C'était affreux. Je n'ai pas pu recevoir de visite pendant
plus d'un mois."
Le 13 octobre, Alphonse Klu, directeur de publication du Nouvel
Echo, se présente dans les locaux du ministère de
l'Intérieur, suite à une convocation. Il est immédiatement
placé en garde à vue à la gendarmerie de Lomé.
La police exige qu'il divulgue ses sources sur un article affirmant
qu'un baron du pouvoir dissimulerait "plusieurs milliards"
de francs CFA dans son sous-sol. Le 30 octobre, il est libéré
et autorisé à "comparaître librement"
lors de son procès pour "diffusion de fausses nouvelles".
Le 29 octobre, Abdoul-Ganiou Bawa et Rigobert Bassadou, respectivement
directeur de publication et rédacteur en chef de l'hebdomadaire
privé Echos d'Afrique, sont incarcérés à
la prison civile de Lomé. Ils sont accusés d'"atteinte
à l'honneur" et de "publication de fausses nouvelles".
Le journal a publié, le 26 septembre, un article intitulé
"Escroquerie à Dankpen : le préfet détourne
1 130 000 francs CFA". Selon Echos d'Afrique, le préfet
de cette localité aurait bénéficié de
pots-de-vin sur la vente de bois de teck destiné à
la réhabilitation d'un pont. L'hebdomadaire invitait la commission
anticorruption à enquêter sur cette affaire. Rigobert
Bassadou est libéré le 30 octobre et Abdoul-Gania
Bawa le 2 novembre, après le retrait de la plainte du préfet.
Pressions et entraves
Le 27 mars 2001, des policiers saisissent un nombre indéterminé
d'exemplaires de l'hebdomadaire Le Regard auprès de vendeurs
à la criée, à Lomé. La direction du
journal déclare n'avoir récupéré aucun
des 3 500 exemplaires mis sur le marché. Le général
Sizing Walla, qui a ordonné la saisie, reprocherait au journal
la publication d'un article intitulé "Lomé refuse
l'appui financier de l'Union européenne pour les législatives"
d'octobre 2001. Selon Le Regard, le gouvernement cherche à
"éviter les contrôles de l'Union européenne
qui ne serait plus prête à financer des élections
qui tourneront au hold-up". Le général Sizing
Walla aurait affirmé que "le journal doit apporter la
preuve" des informations contenues dans cet article.
Le 18 juin, La Dépêche, bimensuel proche du pouvoir,
publie un éditorial intitulé "Devons-nous avoir
peur de nos juges ?". L'article porte un regard critique sur
la manière dont s'est déroulé le procès
de Lucien Messan et provoque la colère du parquet qui porte
plainte contre Apollinaire Mewenemesse, le directeur de publication.
Alors que ce dernier se cache, La Dépêche présente
ses excuses au chef de l'Etat et à l'ensemble de la magistrature.
Le 2 juillet, le ministre de l'Intérieur ordonne la saisie
de tous les exemplaires du Combat du Peuple. Une trentaine d'hommes
armés, dont certains en civil, font irruption dans les locaux
de l'imprimerie. Les hommes emportent les exemplaires déjà
imprimés et les plaques d'impression. Le ministre de l'Intérieur
explique que le journal était sur le point de publier des
"textes de nature à troubler l'ordre public".
Le Combat du Peuple affirmait, dans ses colonnes, que les autorités
avaient fait délibérément emprisonner quelqu'un
pour qu'il assassine l'ancien ministre des Droits de l'homme, incarcéré
depuis mai 2001.
En octobre, la rédaction de l'hebdomadaire privé
Motion d'information s'inquiète de recevoir des appels téléphoniques
de personnes affirmant être des agents du ministère
de l'Intérieur ou des renseignements généraux,
et demandant au directeur de la publication de se présenter
dans les bureaux du ministère. "Quelque chose est en
train de se préparer contre notre journal", affirme
Folivi Ayika, le directeur de Motion d'information, dans un courrier
adressé à Reporters sans frontières. La semaine
suivante, tous les exemplaires de l'édition du 29 octobre
sont saisis. Le journal publiait, en une, les récentes révélations
de la commission anticorruption qui impliquent le régime
du président Gnassingbé Eyadéma dans des malversations
de plus d'un milliard de francs CFA (soit plus d'un million et demi
d'euros). Un arrêté du ministère de l'Intérieur
ordonnant la saisie est envoyé à la rédaction
le 4 novembre, sans qu'aucun motif ne soit mentionné.
Le 29 novembre, la Haute Autorité de l'audiovisuel et de
la communication (HAAC) met en demeure la radio privée Victoire
de cesser de diffuser les deux émissions "Revue de Presse"
et "Vice-Versa" jusqu'à nouvel ordre. La HAAC justifie
cette décision par le fait que "ces émissions
controversées conduisent leurs animateurs à des commentaires
passionnés, diffamatoires, discréditant les autorités
constitutionnelles et administratives" du Togo. La veille,
le Premier ministre avait exprimé sa désapprobation
à un représentant de la station, à propos d'un
journal d'informations qui relatait la visite du président
Gnassingbé Eyadema en France, ses relations avec le président
Jacques Chirac et la situation des droits de l'homme au Togo.
Le 4 décembre, environ 4 000 exemplaires de l'hebdomadaire
Le Regard sont saisis au fur et à mesure de leur apparition
dans les kiosques de la capitale. Le ministre de l'Intérieur,
à l'origine de cette décision, explique que ce journal
qualifiait l'armée nationale de "putschiste". Le
Regard publiait le jour même le témoignage d'un sous-officier
de la garde de l'ancien Premier Ministre, Joseph Kokou Koffigoh,
qui faisait état d'une attaque de la Primature, en 1991,
par des militaires de l'armée régulière.
Le 7 décembre au matin, une quinzaine de policiers en civil
investissent le Centre de presse de Lomé. Les forces de l'ordre
sont à la recherche d'Augustin Amégah, directeur de
publication de l'hebdomadaire Le Reporter des temps nouveaux, journal
proche de l'opposition. Aucun motif n'est fourni. La police procède
à une vérification d'identité, empêchant
les journalistes présents de sortir du Centre de presse pendant
deux heures.
Le président Gnassingbé Eyadéma fait partie
des prédateurs de la liberté de la presse dans le
monde dénoncés par Reporters sans frontières
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